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La naissance de Nina

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La naissance de Nina



"Il y a une semaine à cette heure-ci, nous étions avec P. dans notre salon, la piscine d’accouchement était en train de se remplir, les lumières tamisées et les flammes du poêle nous enveloppaient d’une atmosphère chaleureuse.



Sa naissance à la maison fût une expérience puissante et intense, un magnifique voyage que nous aimerions vous raconter.


Tout a commencé il y a un peu plus d’un an…

Nous avions émis le désir d’un troisième enfant assez tôt après la naissance de Louis. Nous attendions de nous sentir prêts pour le concevoir.

Au mois de mai, l’an passé, P. aborde le sujet alors que nous prenons un temps pour déjeuner en amoureux. Il vient d’apprendre que le fils d’un voisin a eu un bébé. Il me dit avec un petit clin d’œil « Une sage-femme de P. a accepté de les suivre pour un accouchement à domicile. Tout s’est super bien passé, ils sont ravis. » me fait-il avec un grand sourire. Je lui dis « tu penses à la même chose que moi ? » P. répond « Notre troisième enfant viendra au monde chez nous! » Moi - petite danse de la joie intérieure :)

C’est parti pour une nouvelle aventure !


Notre petite Nina a choisi devenir au monde le lundi 22 mars 2021 à 20H09 dans la douceur de notre foyer.



Dans le mois de juin, je rêve que je suis enceinte d’une petite fille. Elle se prénomme Nina. Nous accouchons à la maison. C’est un rêve troublant, de ceux qui semblent si proche de la réalité. Je le raconte à P. Il me dit qu’il aime beaucoup ce prénom.

On décide à ce moment-là que si notre projet d’enfant se concrétise, ce sera notre choix de prénom pour une fille. Je me sens alors prête dans mon corps à concevoir une nouvelle fois la vie. Pendant mes séances de méditations hebdomadaires j’y pense deux-trois fois et je formule en moi-même et à l‘univers une demande « Puissions-nous accueillir prochainement cette petite âme que j’ai rencontrée dans mon rêve… ».



Tout début juillet, je le sens je suis enceinte et le test me le confirme.

Pedro et moi sommes ravis, notre projet de troisième enfant est en route.



Pedro et moi sommes ravis, notre projet de troisième enfant est en route.

Mi-juillet, je contacte E, une des trois sages-femmes de P. Je sais qu’il faut s’y prendre très tôt car il y a seulement 80 sages-femmes en France qui pratiquent les accouchements à domicile (cela représente 0,25% des naissances) et elles sont par conséquent très demandées. J’ai un super premier contact avec elle au téléphone. Je lui explique notre projet et nos motivations. Elle accepte tout de suite de nous suivre bien que nous soyons à deux heures de route de P. Nous nous verrons en septembre pour un premier entretien. Je suis aux anges.

Ce projet d’accouchement à la maison nous tient vraiment à cœur pour la naissance de ce troisième enfant. C’est le fruit de tout un cheminement et de nos différentes expériences pour la naissance de nos ainés, M. et L.


La naissance de L. devait se faire en plateau technique avec une sage-femme libérale de S. mais ce projet avait dû être annulé deux mois avant le terme. La sage-femme qui devait nous suivre était alors en piètre posture avec une enquête en cours et une plainte de l’ARS suite à des complications survenues sur une femme ayant accouchée à domicile avec son associée. Il faut savoir que les sages-femmes libérales qui pratiquent les accouchements à domicile sont victimes d’une véritable chasse aux sorcières depuis une dizaine d’années. Le milieu hospitalier et en particulier les gynécologues-obstétriciens récusent leurs pratiques et ne ratent pas une occasion d’en envoyer une « au bûcher ».



Notre volonté d’accoucher chez nous vient d’abord d’une confiance absolue en le processus physiologique de la naissance. Avec P., nous sommes convaincus que les femmes sont des mammifères comme les autres et que nous avons tout ce qu’il faut en nous pour donner la vie. L’accouchement est un acte naturel et sécuritaire, il en va de la survie de notre espèce. Dans le cas d’une grossesse sans pathologie, le respect de la physiologie nous paraît primordial pour que la naissance se passe au mieux. Je connais mon corps, je pratique régulièrement le yoga, la méditation de pleine conscience, j’ai des notions d’auto-hypnose. Je me sens en capacité de gérer le travail et la naissance en toute autonomie. Je n’ai pas envie que des interventions médicales non justifiées viennent entraver la cascade hormonale et empêchent les mécanismes physiologiques de se dérouler normalement. J’ai le sentiment que l’interventionnisme cause beaucoup plus de tort et qu’il est défavorable dans la balance bénéfices-risques de s’en remettre à la médicalisation comme outil d’accompagnement systématique de la naissance.


Pour L. , nous avions géré ensemble le travail à la maison. Puis après m’être examiné, nous avions choisi de partir à dilatation 7-8 pour parvenir à la maternité juste au moment de la naissance.

Cela avait parfaitement fonctionné, nous avions pu réaliser notre projet d’accouchement physio mais nous avions encore une certaine frustration d’avoir dû nous extraire de notre cocon un peu en catastrophe alors que nous étions si bien dans notre petite bulle.

Cette fois, nous ne voulons pas subir ce stress et nous n’avons pas non plus envie de nous voir imposer une ou plusieurs nuits à l’hôpital. Nous voulons vivre cette naissance chez nous en toute intimité et dans le respect des processus naturels.


Pour vivre cet évènement, nous avons déjà une bonne préparation du fait de l’expérience des deux naissances précédentes. Nous choisissons donc pour cette grossesse de ne pas suivre de séances de préparation en couple comme nous l’avions fait pour M. et L.


Nos discussions régulières sur le sujet, le visionnage de quelques documentaires

(Un chemin vers l’enfantement, Accoucher autrement, L’art d’accoucher, L’arbre et le nid, Entre leurs mains) et l’écoute de podcast (Matrescence) ont nourri nos réflexions et nos échanges pour peu à peu s’accorder sur notre projet. Il est important pour nous d’être pleinement acteur et actrice de la naissance.

De mon côté, je lis beaucoup. J’avais déjà lu une vingtaine de titres à ce sujet et je complète ma collection avec quelques ouvrages (Le guide la naissance naturelle d’Ina May Gaskin, la BD de Lucile Gomez, Accoucher par soi-même).

Je revois les vidéos super bien faites des préparations en ligne de Quantik Mama que j’avais achetées pour mes précédents accouchements.


Convaincue qu’un bon équilibre entre le corps et l’esprit est le garant de la bonne santé, je prends plaisir pendant toute la grossesse à pratiquer plusieurs fois par semaine yoga, exercices de respiration et séances de méditation de pleine conscience. Je consulte tous les mois une sage-femme praticienne en acupuncture. Je suis aussi suivie par une sagefemme ostéopathe.


Dans le dernier trimestre, une amie hypno thérapeute m’offre des séances à domicile dans notre salon. Je m’exerce ensuite seule en pratiquant des techniques d’autohypnoses. Toute cette préparation, je vous rassure n’est pas nécessaire pour vivre une naissance à la maison, loin s’en faut.


N’oublions pas qu’enfanter est chose naturelle pour une femme et elle n’a en réalité besoin d’aucune préparation particulière pour y arriver.

Apprend-t-on à digérer? à respirer ? … Non, évidemment. Accoucher, non plus cela ne « s’apprend » pas en fait. Mais il est vrai que nous, humains, avons un énorme handicap par rapport aux autres mammifères : un néocortex surdéveloppé.


Vivre le travail et ses sensations intenses, laisser son corps guider le choix des positions, permettre au col et au bassin de s’ouvrir, tout cela nécessite justement de lâcher-prise totalement et de débrancher le mental pour laisser le pilotage automatique au cerveau reptilien et permettre à la cascade hormonale de se faire.

Clairement, c’est ça le plus difficile pour ma part : accepter de perdre la maîtrise de soi, ne pas anticiper, et vivre l’instant en laissant les choses se dérouler par elles-mêmes. Alors je vis cette préparation comme un petit challenge personnel, une occasion formidable de développer mes capacités dans ce domaine. A chaque congé maternité, j’ai pu ainsi en me préparant, découvrir encore davantage de chose sur le fonctionnement de mon corps et de mon esprit. Je trouve ça passionnant.


Tous les mois, je me rends à P, 4 heures de route aller/retour, pour le suivi mensuel de la grossesse. C’est fatigant mais c’est le prix à payer pour accéder au luxe d’accoucher chez soi. Les trois sages-femmes sont adorables et très professionnelles. Je me sens en confiance. Chaque visite dure plus d’une heure. Rien n’est laissé au hasard.

On aborde tous les sujets et une très grande place est laissé à l’humain et au tissage de la relation. Le parcours pour accoucher à domicile est très bien encadré. Le suivi est sérieux et à n’importe quel moment, on peut être réorienté vers une naissance en maternité si tous les indicateurs ne sont pas au vert. Pour les derniers rdv, P. m’accompagne afin de faire connaissance avec l’équipe car nous ne savons pas encore qui sera présente à nos côtés le jour J.


En novembre, nous apprenons lors de la deuxième échographie que nous attendons une petite fille.


C’est bien la petite Nina apparue dans mon rêve qui a choisi de rejoindre notre famille ;)


Un mois avant le terme, mes amies se réunissent autour de moi à la maison pour un petit rituel avant la naissance. Elles m’ont toutes concocté de bons petits plats à congeler en vue de la période post-natale. Nous passons une bonne partie de l’après-midi à réaliser chacune un dessin illustrant ce rite de passage qu’est l’enfantement. L’ambiance est douce et joyeuse, pleine de bienveillance. J’offre à chacune un petit bracelet tressé qui symbolise le lien nous unissant jusqu’au jour J. Se sentir relié, faire le plein de confiance et d’amour, faire vibrer de bonnes ondes dans notre foyer : la mission est accomplie.

Nous clôturons ce cercle de femmes par une séance de relaxation au son des bols tibétains. Moment magique de communion, je me sens porté par toute cette belle énergie et plus que jamais sereine pour cette naissance à venir.




Vendredi 19 mars : 40 sa.

Je sens que je plonge peu à peu dans une sorte de brouillard mental. Je suis « à l’ouest ». La cascade hormonale se met en branle. Ça fait quelques jours que ma symphyse pubienne est très mobile, je sens mon bassin de plus en plus laxe. Ça se prépare, aucun doute.


Dimanche après-midi, nous faisons une belle sortie en famille. Il fait un temps magnifique. Je me fais la réflexion que ce pourrait bien être la dernière sortie familiale avant un petit bout de temps.


Dans la nuit de dimanche à lundi, vers 23h, je ressens les premières contractions de travail. Ça se lance tranquillement. Je reste au lit et je somnole entre chaque vague pendant deux heures environ. Les contractions ne sont pas très fortes mais elles reviennent régulièrement toutes les dix minutes et tire doucement sur le col.


Vers 1h, je réveille P. et nous décidons d’appeler la sage-femme car étant donné les deux heures de route, elle nous avait dit préférer qu’on l’appelle au tout début du travail. P. descend dans le salon pour tout installer, je descends le rejoindre un peu plus tard. E. , notre sage-femme arrive vers 3h45.

On discute un peu, vue l’intensité moyenne des contractions et ma capacité à les gérer allongée en me reposant, elle en déduit que je suis seulement en phase de latence, dans le tout début du travail. Elle contrôle la fréquence cardiaque du bébé : ça galope, ça galope… » dit-elle. Tout est parfait, bébé est en pleine forme. Elle décide d’aller se coucher dans la chambre d’ami. Je l’appelle si ça s’intensifie sinon on refait un point au petit matin. Avec P. , on se couche sur le matelas au sol installé dans le salon.


Vers 6h, F. la mère de P. arrive pour emmener les enfants. Je les entends se préparer et partir. Je dors jusqu’à 7h30.

Au réveil, je fais le constat que le travail semble s’être mis en pause. Je ne ressens plus aucune contraction. Je le dis à E. qui vient de descendre pour me voir. Elle me propose d’en profiter pour dormir en attendant que ça reparte, elle est confiante. Elle aussi va se recoucher après avoir annulé tous ses rdv de la journée pour pouvoir rester avec nous.

P. va faire le tour des vaches. Je me rendors .Notre chat vient s’étendre de tout son long sur mon ventre. On dirait qu’il sent qu’il se passe quelque chose.


Vers 10h, E. frappe doucement à la porte. Les contractions ne sont toujours pas revenues. Je suis un peu déçue et aussi navrée pour E. car elle a fait la route « pour rien ». Elle me rassure avec beaucoup de bienveillance. Nous décidons ensemble qu’il est préférable pour elle de rentrer à P. Nous la préviendrons dès que le travail reprend.


Ce lundi après-midi, j’ai un rdv prévu depuis longtemps chez la sage-femme praticienne en acupuncture qui m’a suivie pendant toute la grossesse. P. m’y accompagne. Cela me réconforte de pouvoir compter sur ce petit coup de pouce pour remettre le travail en route. Je me sens fatiguée par cette nuit hachée et un peu las. J’ai envie que ça se lance pour de bon.

La sage-femme me reçoit et trouve tout de suite les mots pour me rebooster. J’apprécie beaucoup cette personne. Elle est très à l’écoute et a un ressenti fin. Je me sens vraiment bien entre ses mains. Elle me redonne confiance. Bébé va naître aujourd’hui aucun doute. Il ne manque pas grand-chose. Elle place ses aiguilles sur différents points qui vont réactiver le travail et faciliter la dilatation et la descente du bébé.

P. reçoit en prime quelques conseils et notamment la localisation de deux points au niveau des épaules qui, lorsqu’ils sont stimulés en acupression, pendant une contraction, vont favoriser la descente du bébé. Nous repartons et déjà sur le trajet du retour les contractions reviennent et rapidement s’installent à un rythme régulier.


17h : Nous sommes de retour à la maison. Le travail s’est relancé Je m’installe dans le salon assise sur mon ballon. Je fais des cercles du plus petit au plus grand, du plus grand au plus petit, j’alterne avec le signe de l’infini.

Je me sens très sereine, prête à entrer dans ma bulle. P. allume le poêle puis part chercher L. chez nounou et le déposer chez sa mère. J’utilise une appli pendant une trentaine de minutes pour évaluer l’intervalle entre les contractions et leur durée.

Les vagues reviennent toutes les 5-6 minutes puis progressivement toutes les 4 minutes. J’éteins mon téléphone, je sais que le travail entre dans une phase active. J’ai besoin de me concentrer. Je sens maintenant que ça appuie franchement sur le col et que les contractions monopolisent totalement mon attention.

J’alterne différentes positions pour trouver celles qui me soulagent le plus et permettent aussi à la tête du bébé de bien appuyer sur le col : accroupie ventre en avant en me tenant au dossier du fauteuil, à genoux en m’appuyant avec le torse et les bras sur le ballon devant moi, à quatre pattes en balançant le bassin doucement.





18h : P. rentre. Je lui débriefe rapidement l’avancée du travail et on décide de rappeler E. , notre sage-femme. Elle se met immédiatement en route. P. éteint les lumières, allume les guirlandes lumineuses et les bougies pour nous installer dans une ambiance tamisée. Il remplit la piscine d’accouchement. Nous nous retrouvons ensuite tous les deux. Nos bulles se mélangent, syntonie des corps, nous vibrons à l’unissons.

Le temps est suspendu. Je sens la chaleur du feu dans le poêle qui se propage dans mon corps. Mes yeux sont mi-clos, je perçois juste la flamme des bougies qui ondulent.

Par instant, j’ouvre davantage les yeux et mon regard se porte sur les dessins de mes amies.

J’y puise beaucoup d’amour et de force. On entend juste le crépitement du feu et mon souffle lorsque les contractions se font plus intenses. Mes mains s’agrippent à l’écharpe de portage que P. a placé sur ses épaules, j’étire mon dos pendant les contractions, je souffle en faisant durer le plus longtemps possible la phase d’expire. Je visualise mon col et mon bassin qui s’ouvrent à mesure que j’atteins le climax de la contraction.

Je suis présente à l’instant, à l’écoute de mon corps. Les pauses entre chaque vague sont délicieuses. Je me laisse doucement bercer dans les bras de P. Il m’encourage et me dit qu’il m’aime fort. Ses mots me font du bien mais je suis ailleurs alors je ne réponds pas. Je baille, je soupire et je relâche tous mes muscles. Et puis, je sens à nouveau mon ventre se durcir.

Nos corps se mettent en résonance et accompagnent ce rythme comme une danse. P. pose ses mains sur mes épaules puis sur mon bassin. Je perçois dans l’intensité de son toucher, son intention de m’aider à traverser ces vagues. Cela me procure un immense sentiment de sécurité et de confiance. On est ensemble, l’un avec l’autre, l’un pour l’autre. On va donner naissance à notre bébé ensemble.


19h30 : L’intensité des contractions est monté d’un cran. Je suis toujours sereine et je prends chaque vague l’une après l’autre. J’ai très envie d’aller dans la piscine d’accouchement. Je sens que c’est le bon moment pour y entrer.

P. a super bien géré le remplissage et la température de l’eau, autour de 39°, est parfaite. Quel bonheur de soustraire son corps de la pesanteur ! Je m’allonge, je flotte, la chaleur m’enveloppe et relâche chacun de mes muscles. Les contractions paraissent moins intenses ou peut-être est-ce simplement ma perception qui change au contact de l’eau chaude ? Je me retourne et prends appui avec mon torse et mes bras sur le rebord de la piscine. P. se place face à moi et continue d’appuyer à chaque contraction sur mes épaules au niveau des points d’acupression que nous a indiqués la sage-femme. Je sens que mon col s’est complètement ouvert maintenant. Bébé amorce sa descente dans le bassin.


20h : E. entre à pas feutrés dans notre salon. Je lui souris. Sa présence est rassurante. Elle m’explique qu’elle va vérifier la fréquence cardiaque de notre bébé. Elle ne me demande pas de changer de position ou bien même de sortir de la piscine. Elle fait en sorte que nous restions dans notre bulle et que ses interventions soient les plus discrètes possible. J’apprécie énormément son attitude et le calme qu’elle dégage. Je me sens à la fois soutenue, en totale sécurité et en même temps pleinement actrice de la naissance, en parfaite autonomie. Elle me demande si je sais où j’en suis. Par réflexe, je m’examine. Je sens alors la poche des eaux qui bombe. Je lui dis. Presqu’au même instant, elle se rompt.


D’un seul coup, je sens cette envie de poussée irrépressible qui caractérise la dernière étape de l’accouchement. Je ne souffle plus, je grogne. Je m’entends faire des sons graves « ooooh mmm ». Tous les muscles de l’utérus se contractent puissamment pour expulser notre bébé.

C’est là qu’on se rend vraiment compte que l’accouchement est un processus complètement involontaire régit par les structures archaïques de notre cerveau.

Je ne maîtrise rien, je laisse faire, je me laisse traverser. J’essaie à chaque pause de me relâcher le plus possible. E. me suggère de me retourner.

Je me mets accroupie, une jambe relevée en « chevalier servant ». P. me soutient en me tenant sous les aisselles. Tout va ensuite très vite. Je sens la tête qui couronne. Je caresse les cheveux de notre bébé avec ma main. La tête sort. Ce moment est impressionnant car il faut attendre la prochaine contraction pour que je sente ensuite la rotation puis le passage des épaules.

Une bonne minute se passe puis le petit corps de notre bébé glisse d’un seul coup hors de moi et remonte à la surface. E. m’aide à l’attraper et à le ramener sur ma poitrine.



20h09 : Nina est née. Elle est si paisible. Elle pousse un tout petit gémissement. Quelle sensation merveilleuse de tenir son petit corps tout chaud contre mon torse. Je sens P. qui m’entoure de ses bras. Nous sommes toujours dans notre petit cocon tous les trois. Il n’y a plus rien d’autre que cette petite bulle dans l’univers.

Nina cligne des yeux à plusieurs reprises puis les ouvre tranquillement. Je lui parle « Tu es là avec nous maintenant. Bienvenue petite Nina. Je suis si fière de toi. On l’a fait. » Elle semble m’interroger du regard, presqu’étonnée de se retrouver là dans mes bras. Nous restons quelques minutes dans l’eau. La chaleur est si agréable, si douce. Je garde son petit corps immergé pour ne pas qu’elle se refroidisse.

Une nouvelle série de contractions nous sort de ce moment de contemplation. Je souhaite sortir de l’eau pour expulser le placenta. E. et P. m’aident avec précaution à sortir de la piscine car Nina est toujours relié au placenta par le cordon. Le placenta me gêne, je ne peux pas encore m’asseoir. Je patiente quelques minutes à genoux puis je me mets à nouveau accroupie pour la délivrance.

Elle se fait facilement et rapidement. Quel soulagement !

Nina se met à téter tout de suite.

On a attendu ensuite que le cordon cesse de battre pour le couper.


E. nous propose de faire une empreinte du placenta sur une feuille de papier canson.

Nous acceptons. Cela dessine un bel arbre, un arbre de vie pour Nina, souvenir de sa vie intra-utero.

Il nous reste encore un moment désagréable à passer car j’ai eu une petite déchirure, au même endroit que pour mes deux accouchements précédents. E. est très douce et à l’écoute. Elle me pose seulement trois points de suture pour rapprocher les bords de la plaie et laisser cicatriser spontanément.


On pèse ensuite Nina… 4,315 g !!!


Waouh beau bébé ! Je suis surprise, je ne m’attendais pas à ce poids. C’est vrai qu’elle a déjà de bonnes joues et elle est aussi grande. Elle sera mesurée à 53,5 cm le surlendemain.

Comme quoi, quand la physiologie est respectée, ce n’est pas du tout un problème d’accoucher sans intervention médicale d’un bébé de plus de 4 kilos. Bien au contraire.


P. va nous préparer de quoi dîner. E. nous laisse un temps juste tous les trois pendant qu’elle se restaure dans la cuisine. Nous nous installons confortablement sur le matelas au sol devant le poêle et je savoure ce moment de plénitude.



23h : E. me refait un petit examen. Tout va bien, j’ai perdu très peu de sang et mon utérus a bien repris sa place. Nina a tété plusieurs fois bien efficacement et commence à sombrer dans un sommeil réparateur.

Nous pouvons dire au revoir à E. Elle reviendra d’ici 48h pour une visite de suivi. Nous la remercions encore chaleureusement pour son accompagnement.


Nous nous retrouvons tous les trois blottis sous la couette dans notre petit cocon. Le feu crépite, les flammes des bougies ondulent.


C’est une nuit inoubliable, un moment suspendu, plein d’émerveillement, qui nous permet de prolonger encore un peu la magie de cette naissance. Savourer le bonheur d’être et de naître à la maison.

Je me sens emplie de joie et si fière de nous. On l’a fait. Tous les deux, avec mon chéri, on a réussi à accoucher ensemble à la maison et à faire de cette naissance un moment merveilleux, notre moment à nous.

J’ai su traverser les sensations intenses du travail et j’ai pu m’abandonner à elle pour vivre pleinement l’instant et enfanter librement. Ressentir les capacités extraordinaires de mon corps est une expérience qui m’apporte encore davantage de confiance en la Vie.


Je rayonne de cette puissance. Il n’y a pas à dire, accoucher chez soi est un vrai luxe.

Merci E. de nous avoir offert cette possibilité et d’avoir accepté de nous accompagner.






J’espère de tout cœur que le contexte en France évoluera favorablement pour permettre aux couples qui le désirent de vivre cette magnifique aventure à leur tour."

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